Complotisme, anticomplotisme, altercomplotisme

Communiqué n°103 - Avril 2025

Le campisme

La question du « complotisme » et de l’anticomplotisme se rattache selon nous à celle du « campisme ». Le campisme, c’est cette idée qu’il nous faudrait choisir un camp du capital plutôt qu’un autre, qu’il nous faudrait soutenir une faction, un gang, une clique contre l’autre, bref qu’il nous faudrait choisir entre deux mauvaises solutions ; les solutions que nous propose le capital. Ces faux débats, ces oppositions spectaculaires et factices ne servent, en réalité, qu’à nous détourner de l’essentiel, le combat révolutionnaire contre l’ordre capitaliste pris dans sa totalité, l’ensemble du système qui, de New York à Pékin en passant par Moscou, Berlin ou Ryad, règne sur toute la surface de la planète.

Nous sommes embarqués dans des débats sans fin et sans fond, des polémiques stériles et vides, des controverses tronquées et secondaires, qui nous empêchent de comprendre le monde tel qu’il est et de le transformer. C’est le cas, typiquement, de la question du complotisme. Celle-ci est l’une des questions les plus piégées qui soient. Non pas que ledit complotisme, ce que l’on appelait autrefois la vision policière de l’Histoire, n’existe pas mais la façon dont il est interprété s’opère, le plus souvent, sur un mode tout aussi réducteur que celui-ci et constitue un puissant moyen de défense de l’ordre existant en général et du camp atlantiste en particulier.

Le complotisme

Le complotisme, au sens propre, c’est la croyance que tout ce qui arrive d’important dans l’histoire, les affrontements, les guerres, les soulèvements, les révolutions mêmes sont l’œuvre de puissances secrètes cachées dans l’ombre et qui, en coulisse, manœuvrent et actionnent, telle des pions, des masses passives et aveugles. Ces agents invisibles sont assimilés à des puissances étrangères, à des organisations secrètes de type franc-maçonnerie, à la « finance internationale » ou aux « sages de Sion ». Cette vision des choses est profondément conservatrice et considère que l’ordre existant est tellement parfait qu’il ne peut être renversé que de l’extérieur plutôt que sous le poids de ses propres défaillances et de ses contradictions internes. Les populations révoltées, les classes exploitées en lutte sont considérés comme dépourvues de toute autonomie et ne se révoltant jamais que sur ordre. En bref, tout vient de l’extérieur et rien de l’intérieur.

L’anti-complotisme et l’alter-complotisme

Face à ce complotisme il y a ce que nous pourrions appeler l’idéologie anti-complotiste, un anti-complotisme qui ne fait le plus souvent que verser dans l’excès inverse de celui du complotisme, attribuant tout à la spontanéité et rien à l’organisation, considérant les autorités établies comme transparentes, la « démocratie libérale » et l’Occident comme inattaquables et parfaits, et les acteurs politiques et économiques comme incapables de s’organiser pour faire valoir leurs intérêts. Nous aurions la chance, nous autres, heureux spectateurs des régimes démocratique, d’assister à l’ensemble des décisions et des choix qui déterminent nos vies, ceux-ci s’opérant sur le devant de la scène sans que rien ne soit caché dans la coulisse.

Pour cette idéologie anti-complotiste, tout soupçon d’intérêt caché relèverait de la paranoïa. De si grands démocrates, comprenez-vous, sont incapables de mensonges, de manipulation ou d’orchestration et se révolter contre eux est quelque chose d’inconcevable. Toute révolte, toute critique relèvent en fait d’une forme de maladie mentale ou alors d’une manipulation orchestrée par des puissances étrangères, la Russie au premier chef.

Parmi les exemples récents de cette idéologie anti-complotiste, il n’y a qu’à regarder la manière dont ont été traités les opposants à la politique prétendument sanitaire lors de la crise du Covid-19, les opposants à la vaccination généralisée et obligatoire ou encore les adversaires de la guerre entre l’Otan et la Russie. Tous ces gens-là, selon l’idéologie anti-complotiste, seraient plus ou moins intoxiqués par Poutine et ses agents d’influence. On le voit, l’anti-complotisme libéral et atlantiste se révèle tout aussi conservateur et obscurantiste que son adversaire et il débouche finalement paradoxalement sur une autre forme de complotisme, ce que nous pourrions nommer l’altercomplotisme. Et nous pourrions détourner un slogan célèbre en disant : « un autre complotisme est possible. »

Notre classe et la leur : perspectives actuelles

Revenons à notre classe. Dans la réalité froide du capitalisme, les intérêts cachés existent, la classe dominante sait s’organiser pour défendre ses intérêts, les démocrates autant que les autocrates essayent d’influencer et de manipuler l’opinion, les coulisses existent, même si la pièce n’est jamais écrite à l’avance.

Chacun des adversaires en présence s’efforce de jouer sur les défaillances et les contestations internes de l’autre camp pour les faire jouer en sa faveur. Alors bien sûr la spontanéité, l’autonomie ont une place essentielle, notamment dans les soulèvements. Mais les manipulations, les orchestrations existent également. Parvenir à comprendre ces dernières et refuser définitivement de s’aligner sur l’un ou l’autre camp, refuser l’impérialisme dans son ensemble et, aujourd’hui, combattre résolument la guerre qu’ils nous préparent est essentiel.

Pour les prolétaires français comme pour les prolétaires russes ou américains, plus que jamais l’ennemi est dans notre propre pays, l’ennemi est dans notre propre camp. Contre tous les embrigadements et toutes les manipulations, nous sommes les déserteurs de toutes les nations, les combattants du prolétariat international. Vive la révolution mondiale, à bas le capitalisme et la guerre, vive le communisme !

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