Note de lecture de l'ouvrage de Cédric Grimoult
Mon père n'est pas un singe ? Histoire du créationnisme
Editions Ellipses, 2008, 287p.
On m’aurait menti ? Nos ancêtres ne seraient pas des primates mais un couple qui porte les noms d’Adam et Eve ? Au XXIème siècle, des prétentieux humains se croient encore supérieurs aux autres espèces animales et tombés du ciel par je ne sais quel miracle !
Le livre de Cédric Grimoult, « Mon père n’est pas un singe ? », retrace l’histoire de cette confrontation, qui perdure, entre le créationnisme et l’évolutionnisme. Le premier est une doctrine basée sur la Genèse et le second est fondé sur l’observation des faits naturels.
Le premier chapitre passe rapidement sur l’instauration durant l’antiquité et le moyen-âge des dogmes monothéistes pour en venir au siècle des Lumières. Au XVIIème siècle, l’opinion commune était que la Bible et la nature disent les mêmes vérités mais dans des langages différents. A la renaissance, le conflit entre tradition et théorie nouvelle est ouvert. Petit à petit le surnaturel fait place au rationnel.
« D’abord croyant, Darwin se sépare progressivement de la religion, en partie parce qu’il refuse de croire qu’un Dieu bon et tout puissant aurait créé un monde avec autant de maladie, de cruauté et de malheur… » P90 Chap IV
En 1859, Charles Darwin jette un pavé dans la mare. Son livre « L’origine des espèces » explique l’évolution et la transformation des espèces vivantes. Les religions prennent un grand coup sur la tête. http://www.darwinisme.org/
« La légende veut qu’une jeune lady britannique à qui l’on apprend la théorie de Darwin aurait répondu : « pourvu que cela ne soit pas vrai. Mais si c’est vrai, pourvu que ça ne s’ébruite pas ! » Non seulement l’hypothèse de l’origine animale blesse le narcissisme de notre espèce, mais cela conduit aussi à douter du statut spécial que le christianisme accorde à l’âme humaine. Le débat sur les origines animales de l’homme constitue donc un terrain majeur de la lutte des transformistes contre les dogmes judéo-chrétiens. » P105 Chap IV
L’importance de ce livre va amener nombres de scientifiques croyants à essayer de concilier foi et science en donnant des limites aux deux domaines. Les phénomènes naturels seront expliqués par la science et la question du sens de la vie laissée aux religieux. Cette séparation aboutira en France, après de nombreux débats, à la loi de 1905 sur la laïcité et à la séparation des Eglises et de l’Etat, cas unique au monde pour l’époque.
« La plupart des théologiens, comme le pasteur Benjamin Pozzy, fondateur de l’Union des Eglises évangéliques libres de France http://www.ueel.org/index.php, campent en effet sur l’enseignement traditionnel : « l’autorité divine des Ecritures ne dépend pas pour nous de l’accord plus ou moins parfait qui peut exister entre elles et la science géologique. La science est mobile de par sa nature ; la vérité, elle ne change pas : elle est immuable comme le Dieu dont elle émane. Voilà pourquoi l’autorité de nos Livres saints ne saurait être subordonnée au verdict de la science. Elle repose sur une autre base à la fois plus solide et plus ferme que nous n’avons pas à rechercher ici. » (1874) P152 Chap V
C’est pratique de dire : «c’est comme ça et pas autrement» en se basant sur des écrits vieux de centaines d’années. Cela évite de se poser trop de questions et surtout de douter ! Cela est intolérable pour la curaille que le bon peuple remette en cause la sainte parole !
Mais la papauté en reste à une lecture littérale de la Bible. Le 18 mars 1923, Pie XI déclare : « la vraie science, qui s’incline devant l’autel, devant le Dieu de la sagesse et ne cherche pas autre chose que recueillir, de tout le créé, réel ou idéal, naturel ou surnaturel, l’harmonie magnifique et continuelle que Dieu lui-même, en notes mystérieuses, y a cachée, afin de constituer le cantique de la vérité, le cantique de la foi, le cantique au Dieu des sciences, au Dieu créateur, révélateur et sauveur. » A cette époque la hiérarchie catholique considère toujours le déluge comme un fait prouvé et l’histoire de la Terre limitée à quelques milliers d’années. » P146 Chap V
Tout au long du XXème siècle, l’opinion publique accepte progressivement la théorie de l’évolution complétée par des découvertes sur la génétique. Mais les créationnistes de tout poil, des finalistes à l’Intelligent Design, essayent de faire passer leurs doctrines surnaturelles dans les médias mais aussi dans les écoles. http://www.intelligentdesignnetwork.org/
« Le 2 août 2005, George W. Bush, dont la réélection a été soutenue par la droite chrétienne, se déclare favorable à l’enseignement du créationnisme au même titre que la théorie de Darwin. » P203 Chap VII
Le récit de la création repose sur des éléments invérifiables. Les membres de la Creation Research Society http://www.creationresearch.org/ croient à l’impossibilité de connaître l’origine des espèces. En 2007, Adnan Oktar, de son pseudo Harun Yahya http://www.harunyahya.fr , essaye de montrer dans son Atlas de la Création, diffusé dans 2000 écoles françaises, que l’évolution n’existe pas et que la création est un fait. Le résultat est peu convaincant. Il reprend l’argumentaire d’un livre plus ancien « le mensonge de l’évolution » paru en 2002.
Depuis le 28 mai 2007, un musée créationniste est ouvert près de Cincinnati aux Etats-Unis. Il a été financé par l’organisation chrétienne littéraliste Answers in Genesis http://www.answersingenesis.org/
En Suisse, un parc d’attraction baptisé Genesis Land http://www.genesis-land.ch/, consacré au récit biblique de la création doit voir le jour prochainement. Il existe aussi des musées créationnistes à Uméa en Suède et à Hagen-Holimburg en Allemagne.
En France, la revue Convergences présente des auteurs antidarwinistes comme le physicien Bernard D’Espagnat. Les auteurs se présentent comme le meilleur rempart contre les créationnistes alors que leur but est identique : réintroduire Dieu dans la science. Le Centre d’Etude Scientifique et Historique http://www.ceshe.fr/ est aussi une association créationniste.
« Les IDers proposent de limiter l’intervention surnaturelle aux seuls problèmes qui ne pourraient pas être résolus de façon rationnelle. Mais celui qui rejette dans l’inconnaissable toute question concernant l’univers matériel risque de baisser les bras trop tôt. L’histoire, en général, et celle de l’évolutionnisme en particulier, prouve que la science avance justement parce que les chercheurs proposent de nouvelles solutions rationnelles à des problèmes qui en semblaient dépourvus. L’histoire des sciences enseigne que ceux qui ont invoqué une transcendance en guise d’explication ont systématiquement stérilisé la recherche au lieu de la faire progresser. » P229 Chap VIII
En 1999, le Wedge Document http://www.antievolution.org/features/wedge.html montre la stratégie des évangélistes fondamentalistes : détruire la laïcité et instaurer une théocratie. Une sorte d’internationale créationniste s’est formée ces dernières années sur un discours extrémiste, visant à « unifier les Chrétiens et les Musulmans contre les mécréants » à voir sur http://www.jesusreviendra.com
Les créationnistes n’acceptent pas la connaissance rationnelle. Ils cherchent un sens à leur vie et donnent comme réponse un dogme, une idée immuable. La peur et la haine font partie de leur théorie au travers de leur angoisse d’une existence sans but. Ils mélangent question philosophique et connaissance scientifique pour se cacher derrière leur objectif qui tend à asservir les masses à des dogmes et des traditions réactionnaires.
« Comme au temps de la scholastique médiévale, adopter le créationnisme signifierait un arrêt pur et simple des recherches car selon la Bible : « la science commence par le crainte de Dieu » (proverbes, 1, 7) et ne doit donc pas risquer de lui déplaire. Les faits ne correspondant pas à l’enseignement biblique seraient en effet considérés comme des moyens divins pour éprouver la foi des chercheurs. » P203 Chap VII
