Marche au pas !

Communiqué n°41 - Novembre 2015

A priori, condamner une « marche de la dignité et contre le racisme », c’est être du côté des indignes et des racistes. C’est un peu comme approuver la faim dans le monde, l’injustice, la guerre, les crimes policiers… Cette manifestation n’est pourtant qu’une grosse arnaque qu’il faut dénoncer. Afin de s’en rendre compte, il est d’abord indispensable de refuser de céder à l’émotion ou au chantage de faire le jeu du racisme d’État. Il s’agit ensuite de se pencher sur les registres idéologiques, les pratiques et les visées politiques des organisations et  personnalités signataires de l’événement (idiots utiles mis à part). Le constat est alors sans appel : ceux qui nous haranguent ici sont des charognards identitaires, des coteries politicardes, des businessmen, des valets arrogants de la domination de classe. Dans les traces des liquidateurs de la lutte du prolétariat, ces avides candidats à l’encadrement du troupeau nous appellent à marcher au pas d’un capitalisme revigoré grâce à l’instauration d’un  multiculturalisme auxiliaire du déchainement marchand. Voyons ça de plus près…

Une marche dans les pas des saboteurs de la lutte des classes

Banderole de la Marche de la DignitéLes prolétaires les plus pauvres d’origine immigrée subissent des discriminations de toutes sortes, à l’embauche, au logement, de même qu’un surplus de violence policière débouchant régulièrement sur l’assassinat. Beaucoup habitent dans des zones urbaines de relégation que l’État désigne sous l’insipide formule de « quartiers ». Une oppression spécifique à l’encontre d’une combinaison entre origine géographique et  classe sociale est ainsi bel et bien à l’œuvre, il serait stupide ou franchement réactionnaire de le nier. Les partisans de la « marche » considèrent que ce particularisme n’est qu’une forme de continuation du système colonial, qu’il faut supprimer par un combat « décolonial ».

  1. Leur diagnostic est pourtant faux : Durant les 50 ans qui nous séparent des derniers accès à l’indépendance des anciennes colonies, les capitalistes ont opéré un écrasement  des salaires (directs et indirects) à l’échelle mondiale. Les travailleurs ex-colonisés ont représenté une main d’œuvre peu formée et bon marché. Leur émigration en France a donc eu lieu dans le cadre général d’un rapport salarial défavorable au prolétariat, ce qui a permis au patronat de maintenir la situation de ces exploités, de leurs familles, dans le cœur du processus de dégradation généralisée des conditions de vie. Substituer à cette analyse celle du  « racisme d’État », c’est occulter la responsabilité des capitalistes en déplaçant le problème sur le terrain inoffensif de la morale.
  2. Leur remède est empoisonné : plaquer le colonialisme sur la situation actuelle des prolétaires des quartiers conduit les « décolonialistes » à ériger les mouvements de libération nationale en modèles. Ils se gardent bien d’expliquer pourquoi ces forces politiques, dès leur victoire, ont toutes instauré des dictatures, et qui plus est très complaisantes avec l’ancien colon. Plusieurs de ces régimes se sont instaurés sur les charniers des prolétaires révolutionnaires qui s’activaient à transformer la lutte anticoloniale en révolution sociale, notamment au Vietnam ou en Algérie. Ce mensonge qu’avancent le PIR et autres autodésignés « indigènes » permet d’épargner la bourgeoisie en vantant une alliance avec elle, par l’intermédiaire de ses représentants « non blancs ». C’est aussi un point de connivence avec les survivances des bureaucraties staliniennes que sont le PCF et autre NPA. Ce n’est pas le seul.

Une marche au pas identitaire

Les organisateurs de cette manifestation ne s’arrêtent pas à des analyses erronées et de fausses solutions. Ils participent activement à répandre la lèpre identitaire parmi les prolétaires, ce qui arrange la bourgeoisie dont l’une des stratégies permanente consiste à diviser les exploités pour mieux les soumettre. Bouteldja se satisfait publiquement que plus personne ne parlerait de classe sociale dans les « quartiers ». Une telle affirmation en dit long sur la caution que cette hipster homophobe, racialiste et intégriste religieuse porte à l’ordre en place. C’est aussi là le but non déclaré de la nébuleuse identitaire dont elle fait partie : chasser la conscience de classe pour mieux fabriquer une identité religieuse, raciale, culturelle, sur laquelle les filiales françaises de l’organisation d’extrême-droite la Confrérie des Frères musulmans (CMF, UOIF, et dont l’une des stars est Tariq Ramadan) ainsi que toute une petite bourgeoisie électoraliste et pro Union européenne comptent capitaliser. L’identité est dès lors une véritable geôle que visent à régenter de nouveaux interlocuteurs de l’État. Ce système fonctionne déjà aux USA ; d’où la présence à cette manifestation de différents universitaires américains, émissaires d’un modèle multiculturaliste. Le schéma de récupération des luttes qui se dessine est alors le suivant : faire des oppressions spécifiques des foyers d’affirmation communautaristes, dont la gestion est économiquement rentable (l’essor du marché de l’identité religieuse et culturelle en est la traduction) et pourvoyeuse de pacification sociale (des habitants qu’on invite à se percevoir avant tout en tant que membre d’une communauté d’identité, en quête d’intégration à la bonne marche capitaliste). Tout cela est curieusement conforme aux préconisations de la Commission européenne en matière de rapport des institutions avec les religions mais aussi de « gouvernance » à partir des principes de « subsidiarité » et de « démocratie participative ». Peu importe qu’au passage des discours et des organisations d’extrême-droite soient de la partie.

Une marche au pas capitaliste

En 2012, EELV, le PCF ainsi que le NPA ont tous appelé à voter pour François Hollande alors que n’importe qui pouvait facilement savoir qu’il appliquerait à l’identique le programme d’un Sarkozy vainqueur, c'est-à-dire une politique de guerre impitoyable contre les prolétaires. Ce sont ces partis politiques ou certains de leurs membres de gauche, ainsi que des directions syndicales leur étant affiliées, telles que SUD, qui appellent à défiler le 31 octobre avec les racialistes du PIR et les intégristes religieux (dont certains sont habillés en rappeurs). Hormis le soutien électoral qu’ils ont apporté au PS au second tour des élections présidentielles, ces formations politiques appliquent sans vergogne l’austérité (autre mot pour la régression sociale) dans les collectivités territoriales qu’elles gèrent, tout en feignant de la pourfendre. Avec un zèle à faire pâlir la droite et l’extrême-droite, elles mettent également en œuvre les grands projets de rénovation urbaine et institutionnelle, comme la métropole du Grand Paris, dont commencent déjà à pâtir les populations pauvres et les agents publics. Comme par hasard, beaucoup de leaders de collectifs (comme les « collectifs citoyens ») présents à la manifestation ont joué de leur appartenance au quartier, pour tenter de contrer le fort abstentionnisme qui y prévaut et faire voter au final les habitants en faveur des partis qui aujourd’hui les dépouillent.

Cette « marche » n'est qu'une écœurante démonstration de mise au pas du prolétariat.
Ce sera sans nous.

"Collectif Identité j't'emmerde", plus communément appelé GARAP

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