1871 - 2021 : anniversaire de la Commune

Le P'tit Rouge n°13 - Avril 2021

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Il y a 150 ans, les travailleurs parisiens prenaient le contrôle de leurs vies.

La Commune de Paris de 1871, c’est quoi ?

Dans un contexte de dénuement terrible (bombardements, famine, hiver glacial) en lien avec la guerre contre la Prusse (l’ancêtre de l’État allemand contemporain) et le siège de Paris par l’armée prussienne, les classes laborieuses de la capitale (ouvriers, employés, petits artisans ou commerçants, civils engagés dans la garde nationale), massivement acquises aux idées socialistes et démocratiques, refusent la capitulation contre la Prusse et ne se reconnaissent pas dans l’Assemblée nationale majoritairement royaliste élue en février 1871.

Après avoir déjà réprimé violemment (plusieurs morts) une manifestation devant l’Hôtel de Ville de Paris le 22 janvier 1871, le gouvernement envoie ses troupes récupérer les canons entreposés dans la capitale à l’aube du 18 mars. La population de Montmartre s’y oppose : deux généraux sont faits prisonniers puis fusillés ; paniqués, les bourgeois quittent Paris et leurs lieux de pouvoir (beaux quartiers, ministères) pour se réfugier à Versailles (d’où leur appellation ultérieure de « Versaillais »). C’est le début de la Commune de Paris.

Quelles ont été les réalisations de la Commune ?

Dans un contexte de forte effervescence politique, intellectuelle, artistique, comme la capitale n’en connaît que durant les périodes révolutionnaires, le 26 mars 1871, les parisiens sont appelés à élire ceux qui siégeront au Conseil de la Commune. Toutes les tendances du mouvement ouvrier y seront représentées (membres de la Ière Internationale, partisans d’Auguste Blanqui, jacobins…).

De premières mesures sont rapidement prises par la Commune de Paris : report des échéances des loyers, interdiction de l’expulsion des locataires, suspension de la vente des objets déposés chez les prêteurs sur gage, libération de tous les prisonniers politiques. Suivront ensuite, entre autres : la séparation de l’Église et de l’État (plus de 30 ans avant la loi de 1905) et l’abolition de l’enseignement religieux à l’école, la reconnaissance de l’union libre, la réquisition des ateliers abandonnés par les patrons, la suppression des bureaux privés de placement de la main d’œuvre, l’interdiction de la pratique des amendes patronales et des retenues sur salaire (qui était courante à l’époque et venait grever les maigres budgets des travailleurs) ou encore l’élection des fonctionnaires au suffrage universel avec instauration d’un plafond de traitement maximum.

Durant son existence, la Commune de Paris prit également certaines décisions symboliques comme l’adoption du drapeau rouge et du calendrier révolutionnaire créé en 1792 ou encore la destruction de la colonne Vendôme – monument à la gloire de l’Empire et du militarisme.

Comment cette expérience révolutionnaire s’est-elle terminée ?

Avec le soutien de la Prusse et après avoir préalablement écrasé par la répression étatique des expériences communalistes semblables (à Marseille, Lyon, Narbonne, etc., de mars à mai 1871), les Versaillais ont envoyé leurs soldats renverser la Commune de Paris et reprendre le contrôle de la capitale.

Lors de la Semaine sanglante (21 mai - 28 mai 1871), des milliers de travailleurs parisiens meurent au combat, des dizaines de milliers de personnes sont arrêtées, battues, mutilées, puis souvent fusillées, sur le seul fondement de leur appartenance aux classes populaires donc de leur sympathie présumée pour la Commune. Pour perpétuer sa domination, la bourgeoisie française n’a donc pas hésité à faire de Paris un monceau de ruines dans une mer de sang. En représailles aux crimes de masse de l’armée française – qui n’épargnât pas même les enfants – les insurgés parisiens exécutèrent une cinquantaine d’otages (curés, gendarmes, mouchards). L’implacable vengeance de la classe dominante contre les partisans de la Commune se poursuivit, elle, au-delà du 28 mai 1871 : condamnations à mort, emprisonnements massifs, peines de travaux forcés, déportations en Nouvelle-Calédonie, etc.

La Commune de Paris, c’est de l’histoire ancienne ?

Ces soixante-douze jours qui ébranlèrent la domination de classe de la bourgeoisie ne sont pas qu’une histoire ancienne. Cent-cinquante ans après, la Commune de Paris demeure un symbole vivace et une source d’inspiration pour les révolutionnaires dans le monde entier. De l’autre côté de la barrière de classe, même un siècle et demi plus tard, les dominants éprouvent toujours le besoin de salir la mémoire de la Commune ou bien – s’agissant des fachos – de tenter de récupérer cet évènement … en passant évidemment sous silence le fait, pourtant incontestable, que leurs ancêtres politiques d’extrême-droite (qu’ils soient monarchistes, bonapartistes ou républicains conservateurs) ont joué un rôle essentiel dans la répression sanglante de la Commune de Paris ! Calomnies ou tentatives de récupération : deux attitudes complémentaires qui trahissent le mélange de haine et de terreur qu’inspire aux bourgeois la perspective de voir les travailleurs reprendre la main sur leurs vies par la démocratie directe et le contrôle des moyens de production.

En ce cent-cinquantième anniversaire de la Commune de Paris, il est loisible de rendre un hommage ému à nos sœurs et frères de classe qui abandonnèrent leurs intérêts particuliers et sacrifièrent leur vie pour ne plus subir la soumission quotidienne à un ordre injuste. Mais cet ordre inique est plus que jamais en place aujourd’hui, et les fléaux qui marquèrent le 19ème siècle hexagonal font leur retour en force dans le pays : violences étatiques, pauvreté, épidémies, mysticisme, contrôle social exercé sur les exploités au moyen d’un flicage de tous les instants (« livret d’ouvrier » hier, « attestation de déplacement dérogatoire » aujourd’hui).

Le meilleur hommage à rendre à la Commune est donc de reprendre la lutte pour la démocratie réelle et d’aller – enfin – jusqu’au bout du chemin de l’émancipation humaine que les révoltés de 1871 ont si courageusement éclairé de leurs actions.

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