Nous venons de publier une note de lecture : Algues vertes, L’histoire interdite
Note de lecture de l'ouvrage de JP GARNIER
Une violence éminemment contemporaine, Essais sur la ville, la petite bourgeoisie intellectuelle et l'effacement des classes populaires
Editions Agone, Contre-Feux, 2010, 254p.
Jean Pierre GARNIER écrit depuis au moins trois décennies, articles et ouvrages sur l’urbain avec des thèmes de prédilection : la «fausse gauche», le sécuritaire, les politiques publiques imposées aux populations urbaines, la nouvelle petite bourgeoisie intellectuelle. Cette fois-ci, il ne déroge pas à cette règle à la différence que son ouvrage est une compilation d’articles publiés depuis 30 ans avec pour thème central, la nouvelle petite bourgeoisie intellectuelle et l’effacement des classes populaires (et non de la classe prolétarienne).
Certes, JPG décrit plutôt bien le processus qu’il cherche à mettre en évidence ; il possède un argumentaire réutilisable et, à ce titre, il est judicieux de jeter un oeil sur ce qu’il écrit. Ne serait ce que parce que certaines descriptions peuvent se coller aux espaces urbains que nous habitons. Il décrit bien le processus de spatialisation des classes dirigeantes, de la petite bourgeoisie. Il a des angles de vues appréciables sur la gouvernance, Paris Métropole, notamment.
JPG, chercheur en sociologie urbaine affirme être anticapitaliste, marxien, cite Marx et ne prend pas de gants pour critiquer ses collègues et leur soumission sans réserve au système capitaliste. Pourtant, on reste assez sceptique sur ses convictions révolutionnaires.
D’abord il est dans une spécialisation du système (sociologie urbaine) ; secondement, il ne possède pas du tout un discours de la totalité. Certes, il utilise Marx mais c’est uniquement pour effectuer des parallèles ou des ressemblances entre le 19ème siècle et l’époque actuelle (notamment la classification des prolétaires et sous-prolétaires). On reste dans la forme, mais pas dans le fonds. Il décrit assez bien les nouvelles formes de luttes et pointe les prémices de la barbarie mais il n’y a guère de perspectives ; d’autant qu’il procède de raccourcis pour expliquer les tabassages de lycéens par les jeunes de banlieue lors des manifs contre le CPE. De même on ne saisit pas très bien toutes les articulations, autrement que dans les effets, entre : le système capitaliste, les différentes émeutes urbaines, les mesures gouvernementales, les classes dirigeantes, la nouvelle petite bourgeoisie intellectuelle.
Curieusement, il ne mentionne quasiment pas les situationnistes qui pourtant en ont largement fini avec l’urbanisme (lire à ce sujet Guy DEBORD, La société du spectacle et les textes de l’Internationale Situationniste).
JPG reste assez ambigu. Autant il dénonce les altermondialistes comme étant des altercapitalistes, autant il fustige la «fausse gauche» (mais alors qu’est ce qu’une «vraie gauche»?). Il envoie des coups de sabres un peu partout, sauf sur le système électoral.
Sur le plan de la forme, JPG a trouvé un moyen de fuite : des phrases à rallonge, des guillemets en permanence (ce qui permet à la fois de se prémunir, de laisser toutes les interprétations possibles et surtout de ne pas assumer des convictions pourtant hautement affirmées), des effets de style laissant planer une forme d’ironie et donc de détachement bien mal venus lorsque l’on prétend être révolutionnaire. Toutes ces complications l’amène à une erreur grossière : l’affirmation sans référence ; et c’est le cas à plusieurs reprises.
À vrai dire, JPG se positionne un peu au dessus, plutôt comme un prof divulguant ses dernières trouvailles que comme un prolétaire soucieux de transmettre du savoir pour le combat. D’ailleurs, alors qu’un internaute lui faite le reproche d’une fin d’ouvrage peu satisfaisante (http://www.article11.info/spip/Jean-Pierre-Garnier-Ce-rouleau), l’intéressé fait l’hypothèse d’une conclusion plus optimiste dans laquelle il énumère «les mouvements radicaux de lutte des classes, les environnementalistes», en fait tout ce qui a pignon sur rue et toléré par les classes dirigeantes.
À partir de JPG on ne se dirige pas vers K. Marx et pas non plus vers les situationnistes. Dommage que le discours péremptoire de JPG obstrue ces voies. Parce qu’en fait, les situationnistes et notamment Guy Debord ont largement démontés la ville tout en fournissant les outils nécessaires pour le faire. Pour Marx, tout ce qui est à l’intérieur de l’usine est aussi à l’extérieur de l’usine. Pour les situationnistes (reprenant en grande partie K. Marx et l’ultra gauche hollandaise et allemande) : « L’urbanisme est cette prise de possession de l’environnement naturel et humain par le capitalisme qui, se développant logiquement en domination absolue, peut et doit refaire la totalité de l’espace comme son propre décor », Guy Debord, La société du spectacle, 1967.