Quand Arte se convertit au journalisme d’ambassade...
Arte a récemment commis un reportage de 25 minutes consacré aux guerres entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie pour le territoire disputé du Karabagh. Thématique épineuse – probablement –, et l’on ne pouvait pas nécessairement escompter de la chaîne Arte qu’elle aborde la question avec un prisme internationaliste et révolutionnaire.
Mais, si des journalistes ne peuvent certes pas épuiser un vaste sujet géopolitique et historique en 25 minutes, ils pourraient quand même trouver deux secondes dans leur reportage pour qualifier le chef d’État azerbaïdjanais Ilham ALIEV de « dictateur » ou de « tyran » plutôt que de l’appeler pudiquement « président » (laissant ainsi entendre qu’un jour où il aurait été « réellement » élu et que ses opposants politiques auraient droit de cité alors que, dans les faits, ils sont pourchassés jusqu’en France) ?
On ne peut que constater le parti pris de facto de ce reportage qui donne successivement la parole sans distanciation critique à :
- Elchin AMIRBAYOV, conseiller de la vice-présidence azerbaïdjanaise ;
- Fereddin HACIBEILY, directeur du musée BülBül situé à BAKOU, capitale de l’azerbaïdjan ;
- Deyanet ASLANOV, un ouvrier azerbaïdjanais qui tient des propos apologétiques vis-à-vis de l’autocrate ALIEV (« Notre devoir à nous, c’est : construire, créer, restaurer. Que Dieu préserve la santé de notre grand président qui a repris ces terres et aujourd’hui, grâce à lui, on reconstruit. ») ;
- plusieurs soldats azerbaïdjanais tenant des discours à connotation islamiste (« J’ai été blessé à l’épaule et à la jambe. J’ai été opéré trois fois, mais je ne suis pas devenu martyr. J’aurais tellement voulu être martyr […] Que Dieu garde nos martyrs. ») et nationaliste (« [Combattre] c’était notre devoir et, le plus important, c’est qu’on a gagné. On est prêts à y retourner corps et âmes, parce qu’on est azerbaïdjanais. ») ;
- une civile azerbaïdjanaise retournée vivre au Karabagh qui qualifie indistinctement les Arméniens de « barbares » et de « tueurs »…!
De même, ce n’est évidemment pas en visionnant ce reportage que les téléspectateurs apprendront que la guerre de 2020 au Haut-Karabagh a été gagnée par l’Azerbaïdjan grâce au soutien militaire d’Israël et de la Turquie – ce dernier pays ayant dépêché sur le théâtre d’opération de nombreux mercenaires islamistes provenant de l’Armée Syrienne Libre (ASL).
Enfin, rien non plus sur les capacités corruptrices quasi-illimitées de ce pays riche en pétrole et en gaz naturel (capacités qui expliquent peut-être pourquoi le « groupe d’amitié France - Azerbaïdjan » à l’Assemblée nationale compte 22 membres – majoritairement LR et LREM)… Une occasion manquée, décidément !