Nous venons de publier une note de lecture : Algues vertes, L’histoire interdite

Appel à une coordination des grèves dans les hôpitaux et les services publics

Communiqué n°74 - Mai 2019

Le silence assourdissant des « grands » médias nationaux sur les grèves en cours dans les hôpitaux révèle, s’il en était encore besoin, leurs sujétions au pouvoir et à l’ordre bourgeois. Mais la réalité est têtue. La politique insupportable de casse du service public atteint des limites. Nous essuyons les conséquences de plusieurs décennies de contre-réforme libérale : ordonnances Juppé de 1996, la tarification à l’activité depuis 2003, loi Bachelot de 2009, plan hôpital de 2007 et 2012, loi de modernisation de 2016. Et désormais la loi Buzyn1 dans le cadre du programme « Ma santé 2022 » de Macron. L’objectif étant à terme d’arriver à la privatisation totale2.

Le ras-le-bol est parti des services des urgences de l’AP-HP durant le mois de mars3. Nous subissons de plein fouet les restrictions budgétaires -l’austérité- appliquées par tous les gouvernements et tous les partis au pouvoir à tous les niveaux que ce soit. Nous manquons d’effectifs et de matériels pour assurer une bonne qualité de soins4. Des patients mal informés, mal soignés par manque de temps entraînent agressivités, violences récurrentes dans notre travail quotidien. Nous voyons des services fermer comme on ferme un magasin pas assez rentable5. Mais la santé, le droit à l’accès aux soins, n’a pas de prix, c’est une question d’égalité sociale et de santé publique. On ne gère pas un hôpital comme on gère un centre commercial.

Le ras-le-bol se répand aussi dans les hôpitaux de province et s’exprime dans la grève illimitée. Les personnels soignants sont fatigués, au bord du burn-out ou de l’erreur médicale. Ils ne sont pas reconnus à leur juste valeur, ils sont mal payés. Et pourtant de l’argent il y en a. Particulièrement dans les caisses du patronat. On ne compte plus les exonérations et les évasions fiscales6, des milliards d’euros accumulés sur l’exploitation des travailleurs, qui devraient servir l’intérêt général. Pour assurer la lutte, nous mettons en place des caisses de grève7. Grâce à la solidarité nous pouvons nous mettre en grève sans craindre la fin du mois. De l’argent, il y en a aussi dans les caisses des syndicats. Il faut le réclamer, c’est l’argent des adhérents et des subventions de l’état, de l’argent public8.

Le gouvernement, relayé par les directions des hôpitaux, peut jouer sur plusieurs tableaux. Soit faire des négociations par hôpital et par service, en lien avec les Agences Régionales de Santé, en misant sur la division. Soit laisser pourrir la situation, en pariant sur le sabotage syndical et la démotivation qu’une longue lutte peut entraîner. Soit risquer l’engrenage de la répression, réquisitionner des grévistes en faisant appel aux forces de l’ordre, obliger des soignants à travailler en les menaçant, et par la même occasion détruire le droit de grève et le droit à l’arrêt maladie9. Le mouvement, s’il veut prendre en puissance, doit s’élargir à tous les services des hôpitaux, mais aussi à tous les services publics. On voit se mettre en place un Collectif Inter-Urgences, ne rassemblant que des collègues des services d’urgence10. On voit aussi des grèves émerger dans le secteur de la petite enfance11, dans les centres médico-psychologique12, sans lien direct avec les collègues du reste de la fonction publique. On sait très bien où mène la séparation des luttes : à la défaite13. Les revendications sont partout les mêmes, c’est pourquoi nous devons diffuser massivement les informations, organiser des assemblées générales dans tous les hôpitaux, services publics et une coordination de lutte pour la grève générale illimitée.

Propositions pratiques pour l’organisation de la grève dans la FPH :

  • Le préavis de grève illimitée est déposé par un ou des syndicats, au niveau local et/ou national, comportant les revendications et les motifs, cinq jours avant le déclenchement effectif de la grève. Chaque agent a droit à des heures d’information syndicale sur son temps de travail (12h par an), il faut s’en servir pour préparer la grève en demandant la mise en place d’assemblées générales. Le syndicat, en fonction de sa représentativité dans la boîte, a un quota d’heure de décharge syndicale à utiliser chaque année. Il faut aussi s’en servir pour préparer et répandre la grève.
  • Le droit de grève dans la fonction publique hospitalière est restreint par le service minimum ou continuité de service. Le directeur doit limiter le service minium aux seuls services dont le fonctionnement est indispensable. Les agents assignés pour le service minimum doivent recevoir par courrier recommandé ou par remise en main propre contre signature, la lettre d’assignation signée du directeur. Les agents assignés peuvent se déclarer grévistes aussi. L’assignation ne peut avoir lieu par téléphone, par mail, par bruit de couloir ou par une liste affichée dans les services. Il faut aussi vérifier le règlement propre à chaque hôpital. Dans tous les cas, un agent non assigné ne va pas au travail. Aussi, il ne faut pas prévoir auprès des cadres ses jours de grèves au-delà de 48h à l’avance. Les plannings de roulement sont fait largement en amont pour que la direction ait le temps de prévoir les assignations. Il faut demander aux chefs des services de diminuer le nombre de lits pendant la grève.
  • Création d’un comité de lutte avec tous les collègues grévistes motivés, syndiqués ou pas, pour coordonner le mouvement par la base, pour répartir les tâches (trouver des slogans, fabriquer des banderoles, écrire des tracts, éditer des affiches, autocollants à coller partout…). Utiliser les réseaux sociaux (par exemple une messagerie de groupe sur portable) pour diffuser rapidement les informations et coordonner les actions entre agents en lutte. Ce moyen technique ne doit pas remplacer la mise en place d’assemblées générales, de réunion avec tous les collègues, avec des discussions, des échanges et prises de décisions collectives dans la vie réelle. Il est possible d’écrire des articles à envoyer aux médias pour informer plus largement.
  • Mettre en place une caisse de grève, créer une cagnotte sur internet par un collègue fiable. Pour alimenter la caisse : créer une page facebook, twitter, instagram… (sans montrer nos visages dessus) et partager l’appel sur les réseaux. Tenir des piquets de grève devant l’entrée de l’hôpital avec diffusion des tracts, vente de gâteaux et boissons, livres etc. ; pour permettre d’informer les patients et les collègues non-grévistes. Réclamer de l’argent aux organisations syndicales. Diffuser des tracts avec demande de soutien financier dans les transports publics, les marchés, les centres commerciaux les plus proches de l’hôpital pour informer les habitants. Organiser des concerts, des cantines, des soirées, des réunions de soutien dans les quartiers environnants. Les personnels soignants jouissent d’une très bonne image auprès de la population, il faut s’en servir dans le rapport de force avec la direction et l’État. L’argent à la fin du conflit sera réparti entre tous les agents qui ont perdu des journées de salaire. Pour cela, il faut tenir une comptabilité précise de qui était en grève quel jour. Organiser une crèche de grève, pour garder les enfants et permettre aux collègues de participer aux actions.
  • Ne pas prêter attention aux tentatives de division, d’intimidation et de démoralisation venant de la direction, de l’encadrement ou de certains collègues. L’unité portant sur des revendications précises est la base de la lutte. Aussi plus la grève sera élargie aux autres services, hôpitaux, secteurs, plus le rapport de force sera en notre faveur. Il est évident que lutter est fatiguant nerveusement et physiquement, aussi plus les tâches seront réparties et assurées sérieusement par un groupe solide de collègues, moins il y aura de pressions sur quelques uns avec la possibilité de voir surgir des petits chefs, des railleries entraînant des divisions internes fatales au mouvement. Il faut se méfier évidemment des bureaucrates syndicaux, permanents ou pas, qui voudraient s’approprier et diriger la lutte, ou stopper la grève avec des revendications partiellement satisfaites lors des réunions avec la direction.

Nous n’avons rien à perdre. La grève générale illimitée est faite pour gagner !

Notes :

Logo du GARAP
Top