Il n'y a plus rien

Communiqué n°16 - Août 2013

Comme disait un certain dans les années 1970, il n’y a plus rien ! Et Nous y sommes encore.
Le règne de l’ultralibéralisme nous asservit à chaque jour passant.
Notre labeur aliénant et imbécile est une camelote que les corps constitués refourguent pour de la tune-privilège ; ces types supposés nous défendre de leurs permanences politiques et syndicales, des partenaires sociaux ou plus exactement prestidigitateurs du mot changeant le noir en blanc selon leurs connivences. Vous avez vu noir ? Trompés ! Vous êtes victimes d’aprioris riquiqui !

Car le blanc était bien là ! Devant vous. Un voile de mariée dont votre pudeur a maquillé d’obscurité, bêtement. Nous sommes des êtres forts mais sans force de coordination. Nous devons donc nous en remettre à la permanence de ces gens dédiés à tous, leur vocation à coordonner dissimulant si maladroitement leurs ordonnances impératives. Héritiers de classe et collaborateurs délimitant le bien et le mal. Ces moralisateurs dictant à leurs secrétaires les codes de la bonne conduite des démocraties mondiales dont l’idée brille sous des lustres d’anciens châteaux, au cœur de la plus grande ville, La capitale, une lettre avant toutes les autres trop laides pour être considérées. Il s’y écrit le sens de l’histoire paraît-il ! Se pense les courants de pensées historiques. Ces artefacts piquant les yeux comme une grenade lacrymogène pris en pleine gueule durant la manifestation orpheline d’une journée, au gré de la mauvaise humeur d’un préfet de police dont la femme s’est adultéré avec le petit jeune de service ; celui-là qui en veut, qui en sera, un jour, conseiller opportuniste ou juge ou avocat d’affaire ou allons-y franchement, un Politique, un postulant au devenir de ministre. En attendant, le cri de l’adultère reste dans la gorge du préfet et d’un coup de poing sur la table « Style empire » de son bureau perché au-dessus de la ville, il expulse le cri ; et les casques des CRS scintillent sous la lumière mouillée des réverbères et tu en prends plein la figure, ton sang coule sur le bitume et tu reviens chez-toi, blessé, sonné avec le mot d’ordre du syndicat te restant aussi en travers de la gorge… à quoi bon défiler pour la cause des démunis si les lignes ne bougent pas.

Noblesse du calendrier, mai 1871 ; la commune. Nos sœurs et frères dans l’imagination et la réalité, l’autogestion au cœur des esprits jusqu’au mai de 1968. Cette histoire de luttes gravées en nos mémoires, tatouées sur nos phalanges que l’on voudrait à cogner la face patronale et ses ouailles.

Il n’y a plus rien et pourtant…certaines nuits nous apportent des rêves et des résolutions prêtes à l’emploi, au potron-minet ; lorsque la masse silencieuse des exploités descendra de ses cages d’escaliers, se répandra parmi les rues de La Capitale dont la lettre deviendra la dernière de l’alphabet et plus rien. Ce rien sera le plein battant, le jusant de l’amour et de la révolte et avant de dénicher le préfet de police à son étage ultime, nous propagerons l’orgasme le long des murs de prisons et d’usines (là où nos familles ont souffert et sont mortes), aux pieds des tours de verres où des millions d’employés perdent l’espoir de vivre à chaque journée passante ; et un cri montera vers le ciel, sous un soleil sec et des étoiles profondes aussi multiples que celles de la nuit. Tout sera visible et tout sera à créer. Nos mains seront des cerveaux et nous construirons. Nous sommes déjà à la tâche.

On nous a prédit des lendemains chantants et pourtant il n’y a plus de lendemains qui chantent ! Plus ! Et c’est une autre chose à laquelle vous croyez ; une dénuée de rancœur, loin tout d’ulcère et conséquences. Il n’y a plus de lendemain qui chantent car nous sommes le jour. Nous sommes le chant à chaque quantième passant ; l’inaltérable provenu des langes de notre enfance, entre le pli social du regard maternel sur nous : que deviendra-t-il celui-là ; et cette main ébouriffant nos cheveux et dessinant nos sourires jusqu’aux oreilles puisque nous avons foi en la vie, indélébile est-elle en nous et sera jusqu’à la fin de notre chemin.

Il n’y aura pas de lendemains qui chanteront et jamais au grand jamais, il n’y en a eu de tels. Car nous sommes le jour, nous sommes le chant ; avons toujours eu de l’avance sur les slogans et les programmes politiques quels qu’ils soient. Nous incarnons la force du présent, apposons son poids sur le sol des villes et leurs lieux où l’échange humain est une marée apporteuse de rêves au cœur de l’humain, rires en lucioles parmi les chambres d’enfants.

Nous sommes le chant et le jour. A l’aube naissante, à la suite de la minute bleue, le miracle surgit têtu, tel un brigand des fourrés de la forêt noire. Sur nos capes, son blanc arbore notre virginité à toute compromission que les flics des entreprises essayent de déchirer.

Raconter le quotidien de notre labeur et notre douleur consécutive est un devoir. Exprimer notre aliénation dans son déroulement sera le témoignage survivant à notre disparition. A ce jour intronisé par de jeunes lecteurs effarés par tant de haine et violence au sein de ce qui fut et ne devra plus être. Pour cette raison, nous sommes le chant d’une prospective d’un jour libéré de toute entrave.

Nous sommes le chant puisque de notre présent s’anime pernicieusement le cerveau reptilien et ses pulsions assassines. La prise de pouvoir sur l’autre. Le désir de domination. Tous ces fantasmes de la puissance autocratique que le Whisky des clubs d’affaires entretient, là où des hommes aux costards impeccables affûtent des lames de couteau prêtes aux meurtres. Notre chant est un refus de ceci.  

La surveillance patronale nous recouvre de son ombre et nous répétons la même antienne, ce « il faut bien vivre » et vivons donc en contradiction avec nos idées de liberté, de libertaires, au sein de leurs sociétés économiques à longueur de journée grise (même en plein été), les ailes de leurs managers s’agitant frénétiquement autour de nos corps, giflant nos visages que beaucoup présentent sous la forme la plus ahurie possible (toutefois d’un ahurissement le plus complet peut naître la violence la plus extrême envers le pouvoir, sache-le ô lecteur).

Les suppôts du patron demandent à chacun, un investissement comportemental de bon aloi et de tout instant. Celui n’adoptant pas la posture conforme est de fait montré du doigt. Beaucoup meurt socialement ainsi. D’un doigt tendu vers leur corps social coupable d’une position inadéquate.

Les couloirs de ces lieux de travail où la douleur du « n’être pas » s’infiltre en permanence dans nos poitrines incompressibles, réverbèrent les mots encensant la responsabilité individuelle tel un suprême engagement. La disponibilité de chacun y est révérée. La délation aussi. Sous des formes avouables d’un discours expliquant l’impératif de la rentabilité dont le bon fonctionnement des services est l’absolu garant.

Alors nous fonctionnons laissant notre esprit à la porte des dites sociétés. Toutefois, il est impossible de le faire complètement car dans l’arrière case la plus reculée de nos esprits, un trouble s’agite par moment. Un doute telle une menace envers nous-même, à laquelle, parfois, nous succombons, sortant alors dans la rue pour gueuler ou surgissant à l’improviste dans le bureau du patron (c’est mieux), une barre de fer à la main et disant, il faut que je me sauve, une petite voix me l’ordonne, soi-disant pour ma survie, alors voilà, je suis devant vous et je vais commettre l’irréparable, à savoir vous casser la figure car il s’agit de m’en sortir, vous comprenez ! La banque, ses crédits, ma maison, mes enfants, tous ces paramètres m’incitent à ne plus accepter vos règles et vos ordres. L’intolérance aux obligations m’a gagné. Ce matin, je démissionne de vos impératifs, me sépare de mon banquier et laisse mes enfants compter les fleurs des chemins buissonniers. Le temps de me consacrer à la liberté est venu. Vous savez cette relation entre la pensée et l’action, celle-là même que vous nous refusez en volant notre temps. Avec tout le respect que je vous dois je vais vous fracasser la figure et dans l’urgence la plus fondamentale.           
Mais en attendant, des séminaires s’organisent parmi la belle campagne de France. Des cours de management s’inspirant du dressage de cheval. Voilà nos chers salariés attelés à l’image du hongre dont il faut dompter la mauvaise énergie et en tirer la puissance exacte en ce vingt et unième siècle de la plus haute technologie. Ce que nous pouvons subir !

Il n’y a plus rien mais ce rien est notre tout avec lequel nous dessinons le visage aimé sur le sable de la grève. La grève blanche de marée basse, celle où nous allons telles des mouettes répondant au large par des stridences conceptrices de partance, d’ailleurs créateur. Les yeux fixés à l’horizon nous y voyons des chevaux de mers tirés un char portant une humanité cachée depuis des millénaires par le tumulte des flots. Dégagé désormais, il vole au ras de l’écume et nous le suivons jusqu’à l’improbable.

Notre chant est celui de l’opéra du pauvre.

Logo du GARAP
Top